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Livre d'Or

Osman Bey (mai 1803 - novembre 1804)

falaise du GhrabFils de Mohamed El Kebir ancien bey d'Oran qui avait réussi à déloger d'une manière définitive les Espagnols d'Oran en 1792. Osman avait été lui même bey de l'Ouest succédant à son père, mais il avait été exilé à Blida par Mostefa Pacha pour insubordination, et réhabilité deux ans après, pour occuper le présent poste, Kulughli de naissance, il ne s'entendait pas beaucoup avec les Turcs. Il leur reprochait ce complexe de supériorité qu'ils éprouvaient vis à vis de tout ce qui n'était pas turc, et condamnait l'impunité dont ils jouissaient lorsqu'ils commettaient des injustices à l'égard des autres.

Ce trait de caractère qui lui valut un grand nombre d'incidents avec ses semblables et le pacha lui même était connu à Qacentina. Aussi, dès qu'il mit pied en ville, toute la bourgeoisie et les Kulughlis vinrent au devant de lui et l'accueillirent avec éclat.

Mais Osman Bey ne fit jamais de distinction entre ses administrés qu'ils fussent turcs ou autres, Il s'efforça de faire régner partout, et, en n'importe quelle circonstance, la justice et la fraternité, en dépit du mépris que lui affichaient ses adversaires et des embûches qu'ils ne cessaient clé lui dresser.

Pour le poste de Khalifa, il choisit El Miliani ; pour celui de kaïd dar Hadj Ahmed Ben Labied ; pour celui de bach kateb Kutchuk Ali ; pour celui de agha deïra Chenderli Brahem ; pour les fonctions de bach seiyar et bach seïs deux membres de la famille Ben Zekri.

Il entreprit une seule expédition contre ses sujets : les Nememcha qu'il dirigea lui même. Il en revint avec un butin considérable que jamais sous aucun bey on n'en avait vu autant de chevaux, chameaux, moutons, charges de blé et orge, jarres de beurre et tant d'autres choses, entrer à Qacentina et dans les magasins du beylik. Si le produit de cette razzia avait enrichi certains hauts fonctionnaires du makhzen et permit de renflouer le Trésor public, elle réduisit la grande tribu des Nememcha à un dénuement complet dont elle ne se releva que des années et des années après. Le souvenir de cette période servit de ferment à sa haine, et, cri n'importe quelle circonstance on la trouva opposée aux Turcs les armes à la main.

Durant toute une année le beylik ne connut que la paix et la tranquillité.

Mais en début de l'année 1804, sous la conduite de El Hadj Mohamed Bel Ahrèche surnommé Bou Deli, l'opposition reprit son action dans les montagnes de Kabylie de Tababorte dans la région Oued Zhour. S'élevant contre la domination turque, Bel Ahrèche réussit à se créer de nombreux partisans dans les Beni Ouelban, El Koll et Jijel à la tète desquels il entreprit le siège de Qacentina.

Lorsqu'il se présenta au pied des remparts, son porte parole adressa aux habitants le message suivant :« Sachez Constantinois que voici le Chérif qui s'avance contre vous et nous marchons à sa suite, aussi nombreux que les essaims d'abeilles, aussi terribles que les plus terribles armées. Ouvrez vos portes, rendez vous, il ne vous sera point fait de mal ; mais si à la force invincible vous osez opposer une résistance inutile, sachez que d'avance la victoire est à nous et alors malheur aux vaincus ».

Les assiégés, nullement effrayés par cette harangue, lui répondirent par des coups de feu atteignant les plus proches.

L'attaque commença aussitôt. De tous côtés, les assiégeants se ruèrent contre les remparts et les portes de la ville en poussant des cris « Allah ou Akbar ». Les tirs de canons et de fusils à bout portant les repoussèrent. Ignorant le danger et la mort, par vagues successives les assiégeants poursuivirent leurs assauts téméraires. La résistance opiniâtre des assiégés et leur supériorité de feu les obligèrent à cesser les combats et se replièrent dans la presqu'île de Sebâa Rous sur la montagne des Beni Fergan. Ben Lefgoun cheikh el baladia, et Labied kaïd el djich qui commandait la place en l'absence de Osman Bey occupé à collecter les impôts dans la région de Sétif, reprirent la situation en main et firent procéder à la réparation des dégâts (1).

(1) En Plusieurs occasions, la population Constantinoise eut à se défendre sans l'assistance du bey contre l'envahisseur. La ville due souvent son salut aux seuls courage et sacrifices de ses habitants. En 1836, la résistance conduite par Ben Aïssa repoussa l'envahisseur français, pendant que Ahmed Bey se trouvait dans le Sud. En 1837, alors que le bey campait loin du champ de bataille, les habitants défendaient rue par rue, maison par maison, leurs biens et leur cité.

Informé de ces événements, Osman Bey accourut au secours de sa capitale. Mais il arriva trop tard, juste pour constater les dégâts et féliciter les notables auteurs de la défense. Craignant le retour des insurgés, il sollicita du dey des renforts, mais celui ci, s'il répondit par des louanges à l'adresse des populations pour leur courage et la maîtrise de leurs moyens, ne ménagea aucunement le bey : « je t'ai fait bey de la province, lui dit il, et c'est sur tes terres qu'a paru le Chérif. C'est à toi de marcher en personne contre cet insurgé et d'en tirer une vengeance éclatante. Poursuis le à outrance, point de relâche que tu n'aies eu sa tête ou que tu ne l'aies chassé de ton territoire »

Osman Bey prépara sérieusement son expédition. Il sollicita de toutes les garnisons et des cheikhs de la province des renforts. Dès que toutes ses troupes furent rassemblées, il partit à la poursuite de Bel Ahrèche en début de novembre 1804. Il le battit sur la route de Mila dans cette plaine, sur les bords du Rhumel entre Salah Bey et Aïn Kerma, puis il le poursuivit jusqu'aux Beni Aïdoun où Bel Ahrèche s'était retiré sur l'Oued Zhour dans une position forte, défendue par des montagnes boisées et des précipices inaccessibles. Quand Osman Bey arriva sur les lieux, il ne pu utiliser toutes ses forces. Abandonnant sa cavalerie au pied de la montagne, il escalada les pentes escarpées à la tête de ses fantassins suivis de quelques pièces de montagne transportées à dos de mulets.

Les partisans, camouflés derrière les rochers et dans les buissons, le laissèrent avancer en toute quiétude. Quand ses troupes s'étaient bien engagées dans le maquis, de tous côtés des balles sifflèrent, les crêtes se couvrirent de tireurs et la mort oint de toute part sur ses hommes coupés de leurs arrières. Ceux ci se battirent en désespérés, mais vaincus par le nombre et Plus encore par les difficultés du terrain, ils périrent tous. Osman Bey lui même n'échappa pas à l'étreinte implacable de ses ennemis. Grièvement blessé, épuisé de fatigue et de douleur, il tomba sans connaissance au pied d'un rocher. Les partisans l'achevèrent et le décapitèrent, puis retournèrent leurs coups contre les spahis et goumiers qui s'étaient arrêtés au pied de la montagne. Très peu d'entre eux, dans leur fuite éperdue échappèrent à la mort (2).

(2) Le capitaine Sander Hang raconte ces événements de la manière suivante :

La régence d'Alger agitée dans sa capitale par d'orageuses révolutions, ne l'était pas moins, depuis quelques temps dans ses provinces. Vers la commencement de l'année précédente (1804), un marabout nommé Hadj Ben Lahrech, natif du Maroc, jeune, plein de courage et doué d'une imagination ardente, du reste poussé par les Anglais, parvint à soulever les Kabyles des montagnes de Gigeli, en s'annonçant comme envoyé du Ciel.

« Les Premiers actes de cette mission divine devaient naturellement se diriger contre les Chrétiens, mais les Anglais, dit le marabout, ont délivré la terre de ceux qui l'ont envahie, et Dieu m’a commandé de les bien traiter». Un bateau est aussitôt armé à Gigeli ; le marabout s’y précipite avec soixante bandits ; Il attaque de malheureux pécheurs de corail, leur tue plusieurs hommes, s'empare des barques et traîne trente quatre Français en esclaves dans les montagnes. Ce premier succès attire autour de l’imposteur une foule de Kabyles... 60 à 80 mille hommes le suivent à Constantine et ravagent tout ce qui se trouve sur son passage. Le marabout somme la ville de se rendre ; les habitants, fatigués de vexations de la garnison turque, parlent d'ouvrir les portes. Le bey était absent ; mais un ancien kaïd, Ben Labiad, ami du bey, s'empare de l’autorité, commande une sortie et tue 7 à 800 hommes ; le marabout lui même est blessé, et les Kabyles, en désordre, se retirent dans les montagnes voisines. Un grand nombre d'entre eux sont rencontrés par le bey de Constantine lui même, qui, à la tête de quelques troupes leur fit éprouver une nouvelle perte. Malgré cette défaite, le marabout ne perdit pas tous ses partisans ; il en rassembla un certain nombre et s'en fut inquiéter Bougie... ». Tableau des Etablissements français, année 1840, p. 560.

M.W. Esterhazy écrit : « Les Kabyles menacés par l'armée du bey construisirent une digue sur l'oued Zhour, firent déborder cette rivière et inondèrent une plaine dans laquelle ils parvinrent à attirer l'armée turque. Cette plaine, qu'on appelle Mehraz « le mortier », est entourée de hautes collines. Lorsque les Turcs et les goums voulurent y pénétrer, ils s'embourbèrent dans les glaises détrempées du terrain, et les Kabyles qui occupaient les hauteurs détruisirent à coups de fusils tout ce qui s'y était engagé ... ». "Histoire de la domination turque". p. 201.

Quand la nouvelle parvint à Qacentina, la consternation y fut générale. Chacun avait à déplorer la mort de quelqu'un des siens. Aux larmes et aux regrets vînt bientôt se joindre la crainte sérieuse d'une nouvelle attaque de Bel Ahrèche encouragé par ses succès. Les hommes chargés de la défense, tels que le cheikh el baladia Bel Lefgoun et kaïd Labied prirent les mesures de sécurité indispensables en attendant que Ahmed Pacha qui venait de succéder à Mostefa Pacha, informé des événements leur envoyât des renforts et désignât un nouveau bey. Il leur adressa Abdallah Khodja Ben Smaïl en novembre 1804.

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